Québec, le 6 novembre 2019

Madame la ministre, monsieur le ministre,
Distingué·es lauréates et lauréats,
Chers invités,

Permettez-moi d’évoquer d’abord un souvenir. C’est un soir d’été, j’ai 8 ans et en marchant, je lève soudain les yeux vers le ciel. Une forêt d’étoiles apparaît. Je ne le saurai que bien plus tard, mais quelque chose commence, à l’instant où je prends conscience pour la première fois de l’étendue indéchiffrable au-dessus de ma tête. Ce soir-là, une brèche s’est créée. La vie n’était donc pas que le cours des heures et des jeux. Ma main d’enfant dans celle de mon père, je ressens une sensation vertigineuse alors que se rencontrent la beauté du monde et la fragilité humaine. Des années ont passé jusqu’à ce que je puisse nommer ce bouleversement qui apportait avec lui un bagage de questions que j’ai alors confié à la philosophie. Et c’est avec elle qu’est venue la littérature pour que je puisse recréer cette émotion puissante, poser sur les choses des mots qui les rendaient vivantes. Depuis, je cherche peut-être à saisir les liens qui existent entre des événements de clarté, regardant le monde par la fenêtre du langage, de telle sorte qu’écrire, cet acte étrange et pénétrant qui consiste à creuser des sillons avec les mots, est toujours moins ce que je fais que ce que je suis.

On n’écrit jamais seul. J’aimerais exprimer ma gratitude aux personnes qui, de différentes manières, m’ont accompagnée au cours des années, ainsi qu’à toutes celles avec qui j’ai eu le privilège de collaborer. Je remercie également ceux et celles qui ont proposé et soutenu ma candidature, ainsi que les membres du jury qui l’ont retenue et m’accordent à travers cet honneur un appui précieux. Merci au gouvernement du Québec qui, par le prix Athanase-David, témoigne de l’importance de la littérature dans notre société.

On ne dira en effet jamais assez combien un roman ajoute à notre compréhension des êtres et du monde, et que nous pouvons demander à un poème de transformer notre regard sur la réalité pour la porter à la hauteur de nos espérances et que soit célébré le sens de cette aventure complexe qu’est la vie.

Contre l’oreille jamais tout à fait sourde de notre monde, les mots font entendre nos rêves fragiles et nos émerveillements, nos vulnérabilités, nos refus et nos indignations. Ils font des vagues à la surface du réel, rappellent la beauté saisissante d’une forêt d’étoiles, et la force inaltérable de ce qui nous y relie. La littérature est une manière de dire ce que nous sommes et avons été, mais aussi ce que nous pouvons devenir. Elle imagine, raconte, réfléchit, désire et secoue, pour ne jamais cesser de faire résonner ce mot si beau – humanité.