À propos du livre
Genre
Poésie
Parution
2000
Éditeur
La Différence
Extraits
Nous ne sommes plus très loin de la mer ;
là s’achèvent les années d’attente
et de luttes.
Je n’ai pas de réponse, ma vie tient à ce fil
de poèmes lentement édifiés.
S’y élève et s’y brise. Telle est ma demeure
et telle, ma destinée.
Ainsi disais-je, tandis qu’une lumière pointa
sur l’autre rive. Traverserai-je
maintenant que ta voix s’est tue, maintenant
que ton visage fixe l’absence et fléchit l’ombre
– je touche l’infinie quiétude
l’espace immense
encore inhabité.
Me voici à cet âge
où les jours larguent nos poids de peurs
défrichent nos sentiers de silence
et de ruines réunis.
La mer dessine la parfaite traversée :
je n’emporte rien.
Nulle empreinte, nulle histoire brisée.
Comme île, m’emporte le voyage.
*
Le soleil monte, la brise se tait
le bord du ciel demeure pur.
Un premier navire s’éloigne
– blanches voilures qui battent
et pareilles aux vagues se froissent.
Quelle destinée ? Quelle mesure
du vent, de l’obscur, et du temps
quel espoir ?
L’un après l’autre vont les navires
chacun vers l’inconnu qu’il révèle.
Chacun rameute son poids de questions
comme refluent et se délient
les nuages dans la tempête.
D’où cette terre ? ce rivage
du bout de l’âme que l’on touche ?
Le voyage secoue mon corps, mon cœur.
Ce qui meurt me brûle
et je ne sais encore brûler
du feu de ma vie.
*
Parfois, prenant appui sur la pierre où s’immisce le temps
je regarde les traces de ton passage
– ce plein de silence et le peu de visible
où résonnent nos vies, monde obscur
de poussière –, tout vacille maintenant
que se rouvrent les blessures, telles des arches
qu’il me faut franchir.
Passé le seuil, ma voix
portera peut-être
jusqu’à ton absence.
Combien de temps la terre
vibrera-t-elle à ta mémoire
comme tremble cette branche
d’où s’élance l’oiseau ?
Vers quel oubli, mon âme
ne puis-je te reconduire ?
En cette histoire qui jette son vide dans nos mains
quelque chose sourd de la matière, s’élève
et brûle de cet appel sans corps, sans visage.
Amour, sur quelle énigme
te penches-tu comme retombe la flèche
au revers de ce monde ?